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Récit d'une partie d'expéditions conquistadors

14 septembre 2015

Equipes

1re équipe

 

- Bernardo Trevino

- Alejandro Pintado

- Juan Ortega

- Guilermo Pascual

- Julio Barreto

- Montgo Aragones

- Pedro Alvarado

- Rafael Lopez

- Rosilia Padilla

- Teresa Sanchez

 

 

2e équipe

 

- Alberto Echevarria 

- Enrique Ruiz

- Federico Quintero

- Gabriela Ybara

- Blanca Alegria

- Anna Vidal

- Pedro Alvarado

- Pilar Palenzia

- Raul Carillo

- Marisol Costales

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18 août 2015

Expéditions

Histoire véridique d’un voyage aux Indes occidentales

 

 

Préface

 

Juin 1570, Mérida, Nouvelle-Espagne. Moi, Miguel de Sotomayor, je prends la plume en ce jour pour relater les événements qui ont marqué ma jeunesse et l’histoire de ce nouveau monde que Critobal Colon a découvert en 1492. Il y a plus d’un demi-siècle de cela, sous le règne de feu Charles Ier, père de notre roi Philippe II, que Dieu le garde, je suis parti pour les Indes occidentales, accompagné d’une dizaine de fidèles compagnons et j’ai contribué à étendre la domination de notre mère l’Espagne sur ces régions.

 

J’étais alors un jeune homme de 26 ans à peine. En 1516, deux années avant mon départ pour le nouveau monde, mon père Jesus de Sotomayor, était décédé, ne me laissant que de petits domaines dans la région de Carthagène. Nous étions membres d’une famille d’hidalgos de bonne réputation mais sans fortune, comme la plupart des hidalgos de Murcie et d’Estrémadure. Je découvris à la mort de mon père l’ampleur des dettes qu’il avait dû contracter afin de maintenir notre train de vie.

 

Un choix s’offrait à moi : poursuivre ma vie en Espagne en tentant de résoudre tant bien que mal mes problèmes financiers ou me battre pour mon roi et pour mon pays en espérant faire fortune. N’ayant plus de famille proche, ma mère étant morte de maladie alors que j’avais douze ans à peine, je résolus de partir me battre. Le roi Charles avait besoin d’hommes pour le servir dans les Flandres et surtout en Italie mais je choisis une autre voie, celle du Nouveau Monde. Mon père y avait passé quelques années, de 1502 à 1505 : il s’était rendu à Hispaniola, attiré par les histoires fantastiques que l’on racontait à son sujet. Arrivé trop tard, il n’y fit pas fortune et dut se résoudre à regagner l’Espagne après avoir passé quelques années sur place. S’il ne ramena ni or ni argent à la maison, ce voyage ne l’avait néanmoins pas laissé indifférent : mon adolescence fut baignée par ses récits à propos de ces nouvelles terres, de leur climat, de leurs habitants… mais aussi des injustices auxquelles se livraient une partie des Espagnols et au chaos qui régnait sporadiquement sur ces terres que ne contrôlait que théoriquement le Roi.

 

Il ne fait aucun doute que ces récits ont contribué à affermir mon choix : un an et demi après la mort de mon père, je résolus de vendre mes terres et mes rentes afin d’éponger les dettes de ma famille. Avec ce qu’il me restait, je décidai de recruter une petite compagnie qui m’accompagnerait à la découverte de l’immense île ou continent que l’on avait découvert récemment au large d’Hispaniola, de Cuba et de San Juan.

 

Je choisis mes hommes en fonction de leurs aptitudes mais aussi et surtout en fonction de leur fiabilité : mon père m’avait en garde contre les traîtres, les fanatiques, les comploteurs et les individus profondément racistes. Ce monde nouveau pouvait parfois révéler les traits les plus noirs du caractère de tout en chacun. Je résolus donc de choisir des compagnons de route en qui je pourrais avoir toute confiance.

Qui de mieux que Bernardo Trevino pour assumer le rôle de second ? Bernardo est un vieil ami de la famille. Je l’ai rencontré en 1509 et nous sommes depuis devenus inséparables. Nous avons longuement parcouru ensemble les campagnes de Murcie et j’ai pu voir à plus d’une reprise à quel point il était courageux. Fils de forgeron, ses connaissances en la matière pourraient s’avérer précieuses le cas échéant. Ce n’est toutefois pas en tant que forgeron que je l’ai engagé mais bien comme soldat à part entière : il manie à la perfection la hallebarde et cela ne pourra nous être que profitable en situation de danger.

 

Pour l’épauler, il pouvait compter sur deux autres soldats de métier : Guillermo Pascual et Juan Ortega. Pascual, malgré son jeune âge, avait déjà servi comme mercenaire avant d’entrer à mon service et il partagea ses connaissances avec nous dès le départ. Nos compétences en combat se sont grandement améliorées grâce à ses conseils avisés. D’Ortega, je ne savais rien : taciturne, il ne me donna pratiquement aucun détail quant à ses activités passées. Néanmoins, je lus dans son regard qu’il était sincère et fiable : d’instinct, je sus que si je lui accordais ma confiance, il m’accorderait la sienne en retour. Je pus par ailleurs me rendre compte qu’il était bon escrimeur ce qui finit de me décider à l’embaucher.

 

Les récits de mon père avaient mis en évidence l’efficacité des arquebuses et des escopettes face aux indiens insurgés aussi, je décidé de chercher quelques experts en la matière. D’emblée, j’acceptai l’offre d’Alejandro Pintado qui souhaitait se mettre à mon service. Avec le recul, je me dis qu’il dut être particulièrement difficile à ce fils de vicomte de me demander à moi, simple hidalgo, de l’accepter au sein de ma compagnie. Son père avait été victime d’un inquisiteur corrompu qui l’avait accusé d’être favorable à des thèses hérétiques. En discutant avec lui, je compris que c’était un homme fier, courageux et pieux en qui je pourrais me fier. Un véritable homme d’honneur comme l’est tout noble castillan qui se respecte.

 

Je recrutai également Rafael Lopez, un chasseur très réputé, l’un des meilleurs tireurs à l’arquebuse de la région. Il avait été condamné par un tribunal et avait le choix entre subir la peine de mort ou partir pour le Nouveau Monde : on l’accusait d’avoir tué sa femme qu’il soupçonnait d’adultère. A priori, je ne voulais pas l’engager mais au bout de plusieurs heures de discussion, il me confia que les accusations portées contre lui étaient fausses et je lus dans ses yeux qu’il était sincère. Il m’expliqua avoir été victime d’un complot mené par un noble qui voulait se venger de lui après qu’il ait quitté son service. Je décidai de lui faire confiance tout en me jurant de le tenir à l’œil. Je n’eus pas à le regretter.

 

Loin de représenter un tel danger, je choisis également de prendre à mes côtés Julio Barreto, un ami d’enfance. Orphelin, un ami de mon père qui avait fait office de bibliothécaire au sein de notre maison l’avait recueilli sous son aile et, bien vite, Julio était devenu un ami. Contrairement à Bernardo Trevino et moi-même, il n’aimait guère manier les armes et préférait la compagnie des livres. Très cultivé, il semblait destiné à faire carrière dans l’administration royale… mais il préféra se joindre à moi. Passionné par la nature et l’environnement, il voulait à tout prix participer à cette expédition afin de découvrir toutes les nouvelles espèces que les explorateurs affirmaient avoir vues au Nouveau Monde. Bien qu’il ne sache pas bien se battre, je ne pus lui refuser cette faveur… et il me rendit bien service par la suite en améliorant nos tentes, nos charriots, les pièges que nous fabriquions. Ce choix s’avéra finalement plus judicieux que je ne le pensais au départ.

 

De manière assez audacieuse également, j’engageai une femme comme médecin au sein de notre expédition : Teresa Sanchez. Elle était la fille du médecin de mon village d’origine et lorsque son père mourut, il n’y avait pas d’autre médecin pour soigner nos malades et nos blessés. Elle se porta volontaire, affirmant qu’elle avait longuement observé son père à l’œuvre. Au départ, les villageois, ainsi que les membres de ma famille il faut bien l’avouer, furent très réticents : nous ne souhaitions pas confier nos corps à une femme. Mais petit à petit, Teresa parvint à nous convaincre, à défaut de faire l’unanimité au sein de notre communauté. Par deux fois, elle me soigna avec efficacité et habileté. Lorsqu’elle apprit que je comptais partir pour le Nouveau Monde, elle se proposa spontanément car elle avait envie de découvrir ces nouvelles terres et en avait assez de la suspicion des villageois. J’avais besoin d’un médecin de confiance, la plupart des praticiens étant des ignorants ou des charlatans, aussi j’acceptai avec grand plaisir son offre, même si je craignais que la présence d’une femme parmi nous ne suscite quelques problèmes. Les marins disent que les femmes à bord portent malheur… et on imagine sans mal ce qui aurait pu se passer quand des hommes restent sans femmes de longs mois durant… Je me jurai de protéger coûte-que-coûte Teresa de leurs assauts.  

 

Si Teresa venait à être blessée ou à tomber malade, nous nous serions retrouvés bien démunis. En prévision de cette éventualité, je cherchai à embaucher un second médecin. Après avoir interrogé plusieurs candidats, je jetai mon dévolu sur un certain Pedro Alvarado. Âgé de plus de quarante ans, il était le doyen de notre expédition et, assurément, un homme d’expérience. Plus expérimenté encore que Teresa, il nous fut d’une aide précieuse et ce, dès notre arrivée au Nouveau Monde. Je ne sais toujours pas à l’heure actuelle quelles étaient les motivations qui l’ont poussé à rejoindre une expédition telle que la nôtre mais une chose est sûre, il a réussi à nous prouver sa valeur. Et au moment de le recruter, je n’avais d’ailleurs aucune raison de douter de lui : une rapide enquête auprès d’amis habitant à Jaen, patrie d’Alvarado, m’apprit qu’il y avait bonne réputation.

 

En discutant avec Diego Rodriguez y Osuna, un ami de mon père qui était également revenu du Nouveau Monde, je me rendis compte qu’il était indispensable que j’engage un également un homme capable de nous guider, un véritable éclaireur capable de repérer les traces d’un danger potentiel et de nous guider en milieu hostile. Quelques individus se présentèrent en affirmant disposer des aptitudes nécessaires mais la plupart ne m’inspiraient pas confiance. En vérité, seul un candidat me plut vraiment : Montego Arragones. Ce n’était pas un combattant et il détestait faire la guerre mais ses capacités d’éclaireur et sans pareil. Lors de notre expédition, je lui confiai systématiquement les tâches d’exploration mais j’ai évité autant que possible de le placer sur le front afin d’éviter de heurter ses convictions.

 

J’avais ainsi recruté neuf membres en vue de mon expédition. Les moyens que j’avais obtenus en vendant mon patrimoine me permettaient d’en engager un dixième. Je ne savais très bien quel profil rechercher mais, a priori, je souhaitais prendre un soldat de plus à mon service. Malheureusement pour moi, tous ceux qui s’étaient présentés à moi me semblaient peu fiables, racistes, trop ambitieux… Et c’est alors que la jeune Rosilia Padilla, âgée de 19 ans à peine à l’époque, se présenta à moi. Je la connaissais bien car elle était la fille unique d’un ami de mon père : n’ayant pas eu de fils, son père la forma à l’art de la guerre et elle voulait pouvoir prouver sa valeur, ce que tous les capitaines lui refusaient. Au début, je repoussai moi aussi son offre : elle était jeune, totalement inexpérimentée et maîtrisait moins bien le maniement des armes que mes autres soldats. De plus, j’avais également quelques réserves quant au fait que ce soit une femme, les mêmes que celles que j’avais éprouvées en engageant Teresa Sanchez. Néanmoins, je finis par céder : elle était très motivée et totalement dévouée à ma cause ce qui pouvait être un atout quand bon nombre d’expéditions étaient minées par les conflits internes et les tentatives de sédition. Je me dis également que cela ferait un peu de compagnie à Teresa qui, ainsi, ne serait pas seule avec une dizaine d’hommes. Et c’est ainsi que Rosilia Padilla vint compléter notre hermandad.

 

Le voyage

 

Nous nous sommes retrouvés tous les onze à Séville le 25 février 1518, à la recherche d’un navire pouvant nous emmener sur le continent récemment découvert par nos navigateurs les plus téméraires. Finalement, nous avons embarqué sur la Santa Teresa dont le capitaine était disposé à nous conduire jusqu’au terme de notre voyage, à la seule condition de faire une halte à Hispaniola où il devait livrer des marchandises. Sachant que nous devrions de toute manière faire escale à Santo Domingo pour y refaire des provisions de nourriture et d’eau, nous avons immédiatement accepté ses conditions, en ne nous doutant absolument des conséquences qu’aurait cette escale.

 

Nous ne partîmes finalement le 12 mars, dès que le temps le permit. Par chance, nous avons évité les tempêtes du grand Océan et, au terme de deux mois de voyage, le 15 mai 1518, nous avons atteint Santo Domingo pour ce que nous pensions être une courte escale…

 

Hispaniola

 

A peine débarqués à Santo Domingo, nous fûmes interpellés par des gardes envoyés par le gouverneur, notre navire et nos biens mis sous scellés. J’ai protesté vertement mais rien n’y fit. Tout ce qu’on put me dire est qu’il s’agissait d’ordres du gouverneur et que c’était à lui que je devais m’adresser en cas de réclamations. Je confiai donc à Pedro Alvarado la mission de veiller à ce qu’on ne pille pas nos biens en notre absence. Je faisais confiance à notre doyen pour remplir consciencieusement sa tâche et, au besoin, à faire montre de la diplomatie nécessaire.

 

Je me rendis avec mes neuf autres compagnons au palais du gouverneur : il s’agissait d’un homme hautain et peu sympathique mais il n’en restait pas moins qu’il était le représentant de notre roi Charles, de glorieuse mémoire. Le gouverneur nous expliqua qu’Hispaniola était en proie à des troubles importants et qu’il avait besoin des vivres et de l’or que nous apportions avec nous. C’était impensable ! Lui comme moi, nous le savions… Après avoir longuement discuté, nous sommes parvenus un accord : je conserverais mes biens et le commandement de mes hommes mais en échange nous nous engagions à rester à Hispaniola jusqu’à la fin des troubles et à aider les autorités de notre mieux. Faute de mieux, j’acceptai cette offre…

 

Je rejoignis Pedro Alvarado et pus récupérer nos biens qui furent déchargés de la Santa Teresa. Nous avons passé la journée à découvrir la ville et à nous reposer de notre longue traversée. Je discutai notamment longuement avec un ingénieur italien du nom de De Rossi qui travaillait à la citadelle et qui me donna quelques précieux conseils tactiques.

 

J’assistai également à un sermon dans l’église principale de Santo Domingo : le franciscain qui prêcha ce jour-là me surprit beaucoup tant ses paroles étaient différentes de ce que j’étais habitué à entendre en Espagne ! Visiblement, le religieux s’était adapté à la culture locale et aux conditions de vie des colons. A la grande surprise, il me retint à la fin de l’office pour me demander un service : livrer un assortiment d’une centaine d’exemplaires de la Sainte Bible au curé de Santiago de los Cabelleros, au nord de l’île. J’acceptai bien évidemment de lui rendre ce service. Le soir, je fus convoqué chez le gouverneur qui me confia à son tour une mission : je devais, avec l’aide de mes hommes, trouver une bande d’indiens tainos qui s’étaient rassemblés autour d’un temple à l’ouest de la ville et qui effrayaient les colons et les marchands de la région. Je n’avais d’autre choix que d’accepter ses ordres mais en soulignant que je m’étais engagé à livrer des bibles au clergé de Santiago : conciliant, le gouverneur accepta que je me charge de cette mission avant de disperser les autochtones.

 

Après une nuit de repos qui nous fut profitable, nous nous mîmes en route. Au moment de franchir la porte de San Critobal et de quitter Santo Domingo, nous fûmes interpellés par De Rossi qui nous présenta une jeune femme du nom d’Isabela de Yruenes. Fille d’un colon espagnol et d’une indienne taino, son père l’avait sommairement formé au métier des armes et elle avait envie de nous suivre afin de découvrir l’île et de mettre à profit ses compétences. J’hésitai à accepter son offre : avec Rosilia Padilla et Teresa Sanchez, j’avais déjà deux femmes dans ma compagnie et je n’étais pas sûr d’avoir besoin d’une troisième… d’autant plus que son entraînement me semblait incomplet. Néanmoins, elle parlait le taino que sa mère lui avait appris et cela pourrait constituer un atout utile lors de nos expéditions dans l’île. J’acceptai donc son offre et, bien vite, je constatai son intelligence en discutant avec elle lorsque nous cheminions en direction de Santiago de los Caballeros.

 

Nous avons parcouru la route reliant Santo Domingo à Santiago sans rencontrer de problèmes, hormis la chaleur étouffante qui règne dans cette région lorsqu’on s’éloigne des côtes. Notre première nuit au cœur de l’île se déroula également sans accroc. Le 17 mai, nous arrivâmes à Santiago où nous remîmes les exemplaires de la Sainte Bible aux franciscains qui s’y étaient installés.

 

Nous nous mîmes ensuite en route en direction du temple dont nous avait parlé le gouverneur de l’île. Au cours de la nuit de 24 au 25 mai, nous avons été attaqués par des pillards tainos. Nous les avons repoussés puis avons essayé de les arrêter alors qu’ils fuyaient vers la jungle avec une partie de notre équipement, sans succès malheureusement. Nous avons réussi à tuer la moitié d’entre eux et à récupérer une partie de notre équipement mais les autres parvinrent à s’enfuir, emportant avec eux une partie de notre or et de nos vivres.

 

Le 26 mai, nous avons enfin trouvé le temple où se réunissaient les indiens. Mes hommes les plus impétueux préconisaient l’attaque mais les indiens ne semblaient ni hostiles, ni armés, si bien que je choisis de parlementer avec eux, Isabela leur traduisant mes paroles. C’est ainsi que j’appris qu’ils s’étaient réunis là pour honorer leurs dieux ancestraux et que la cérémonie se terminait le soir-même. Soucieux d’éviter un bain de sang bien inutile, je les autorisai à terminer leur fête à condition qu’ils se dispersent dès le lendemain, ce qu’ils nous assurèrent en nous remerciant. Ma décision plût à Isabela et Bernardo et Teresa m’assurèrent également de leur soutien mais la majorité de la troupe se mit à murmurer de manière désapprobatrice : Guillermo Pascula me fit savoir qu’en tant que bons catholiques, nous aurions dû disperser ces païens et ne pas les autoriser à adorer leurs dieux maléfiques. J’essayai de leur rassurer sur mes intentions tout en ordonnant à notre troupe d’installer le campement pour la nuit.

 

Le 28 mai, nous rejoignîmes aisément Santo Domingo. Le gouverneur nous y accueillit à bras ouverts, satisfaits d’apprendre nos succès. Il nous expliqua que cette première mission n’était en réalité qu’une manière de tester nos capacités : les véritables problèmes étaient deux insurrections qui secouaient l’île depuis quelques semaines et qui menaçaient directement la stabilité de l’île. La première était menée par un renégat espagnol nommé Esteban : il avait pris la tête d’insurgés tainos et d’une bande d’espagnols mécontents du sort infligé aux indiens. Au nord de Santiago, il y avait une autre insurrection dont on ne connaissait pas le meneur mais qui perturbait les colons installés dans cette région. Je décidai de m’attaquer à Esteban et pris la direction de l’est en compagnie de mes valeureux compagnons.

 

Après quatre jours de marche sur les routes de l’île, grâce aux talents de pisteur de Montego, nous pûmes localiser Esteban et sa troupe qui s’étaient réfugiés dans une mine à l’est de la ville. J’envoyai Pintado, Arragones, Alvarado et Bernardo Trevino, les hommes en qui j’avais le plus confiance, pour lui tendre une embuscade à la sortie de la mine. Malgré l’effet de surprise, Esteban et ses hommes se battirent comme des lions et blessèrent grièvement Montego Arragones, mon fidèle Bernardo et notre médecin Pedro Alvarado mais nous sortîmes victorieux du combat, notamment grâce aux coups d’arquebuses de Pintado qui firent la différence. Estban était blessé et acculé : c’était un véritable géant, une force de la nature. Je pensais pouvoir le capturer mais, à notre grande surprise, il sauta dans le vide : la chute aurait tué un homme normal mais lui, agile comme un démon, parvint à se réceptionner et à prendre la fuite. Au moins sa bande nous laisserait-elle tranquille pour un moment…

 

Nous regagnâmes alors Santiago pour annoncer fièrement notre victoire au gouverneur qui nous récompensa pour nos efforts en nous offrant or et matériel. Nous allions en avoir bien besoin pour l’expédition qui s’annonçait vers le nord de l’île. Il nous conseilla de nous adresser à une certaine Leandra à qui il avait confié le commandement de la garde de Santiago de Los Caballeros.

 

Le 7 juin, nous atteignîmes cette localité. La « Leandra » dont le gouverneur nous avait parlé était une femme énergique qui nous indiqua que des déserteurs espagnols faisaient régner la terreur dans une petite péninsule loin au nord de la ville. Sans attendre, nous nous mîmes en route en longeant tout d’abord les côtes de l’île. Au soit du 8 au 9 juin, Ortega sortit de son sac un gros morceau de chorizo qu’il trancha en 11 parts et qu’il répartit entre nous. Je me souviens encore avec émotion de sa générosité : ce soir-là, nous fûmes tous touchés par son geste et c’est avec un plaisir teinté de nostalgie que nous avons mangé ensemble… 

 

Après avoir exploré la péninsule de fond en comble sans avoir trouvé la moindre trace de passage récent d’une quelconque troupe importante, nous avons repris la route de Santiago, bien décidés à demander des explications à Leandra qui nous avait visiblement envoyé sur une fausse piste. L’erreur était trop grosse et nous la soupçonnions de nous avoir menti. Le 13 juin, nous en eûmes la confirmation : une puissante troupe de rebelles nous tendit une embuscade. Nous avons lutté avec l’énergie du désespoir et réussi à battre en retraite, non sans avoir perdu du matériel et que plusieurs d’entre nous ne soient blessés. Pour ne rien arranger, une partie de nos porteurs indiens tentèrent de profiter de notre désorganisation et de notre état de faiblesse pour se soulever et piller le reste de notre équipement… Je pris la tête des quelques hommes qui étaient indemnes pour mater leur révolte. Nous fûmes ensuite sans pitié pour ceux qui avaient participé au soulèvement, achevant les blessés et exécutant les prisonniers. Nous étions trop affaiblis que pour pouvoir nous permettre de conserver dans nos rangs des hommes dont la fiabilité n’était pas totalement acquise. Après deux jours de marche, le 15 juin, nous avons rejoint Santiago où nous avons constaté que Leandra avait pris ses jambes à son cou avec ses partisans.

 

Tandis que nous marchions vers Santo Domingo pour annoncer le résultat de notre mission au gouverneur, nous sommes tombés par hasard au beau milieu d’une bataille entre les hommes de Leandra et ceux d’Esteban. Nous avons assisté à la scène et observé la défaite des troupes du second, moins nombreuses et moins bien commandées. Nous avons poursuivi ses hommes en déroute dans la jungle afin d’essayer à nouveau de le capturer, sans succès malheureusement. Nous avons ensuite poursuivi notre route deux jours durant, sans nous rendre compte qu’Esteban et la vingtaine de rebelles qui l’accompagnaient encore nous avaient suivis. Les attaquèrent le 19 juin, à la tombée de la nuit : tant bien que mal, nous les avons repoussés, malgré notre infériorité numérique, mais nous n’avons pas réussi à l’empêcher d’enlever notre amie Isabela. Que lui voulait-il ? Nous ne le savions pas… Mais nous étions persuadés qu’il fallait venir au plus vite en aide à notre compagne. En fouillant les corps des ennemis que nous avions abattus, nous avons trouvé des cartes et d’autres documents qui semblaient indiquer que le groupe comptait se rendre dans un temple perdu dans la jungle, en plein centre de l’île.

 

S’ensuivit une très longue course-poursuite : nous nous sommes enfoncés toujours plus loin dans les jungles hostiles d’Hispaniola, en ne nous reposant que le strict minimum. Nos rations d’eau et de nourriture s’épuisaient peu à peu et nous ne prenions même pas le temps de les reconstituer convenablement, tant nous nous pressions. Tous ces efforts ne furent pas faits en vain : nous parvînmes le 30 juin 1518 au temple indiqué sur la carte. Arragones, envoyé en éclaireur, nous prévint qu’il avait aperçu Esteban et Isabela rentrer dans le temple. Nous avons décidé de leur tendre un piège en dressant des barricades avant d’envoyer quelques hommes faire du grabuge à l’entrée du sanctuaire : une fois les ennemis attirés, ils refluèrent vite tandis que mes hommes, équipés d’arquebuses et d’escopettes, leur tiraient dessus à feu nourri. Les troupes d’Esteban parvinrent à briser nos défenses en plusieurs endroits mais mes hommes tinrent bons et les repoussèrent. Finalement, nous mîmes la main sur Esteban qui nous annonça qu’il voulait soulever les indigènes de l’île contre la couronne espagnole mais que nous avions contrarié ses plans ce qui l’avait poussé à capturer l’un des nôtres pour le sacrifier aux dieux taïnos : il espérait en accomplissant ce rituel ignoble et peu pratiqué par les indiens attirer leur attention sur sa cause et sur sa déterminer sans faille pour la mener à bien. Nous nous proposions de le ramener au gouverneur mais il nous supplia, en tant qu’hommes d’honneur, de lui accorder une mort digne : en tant qu’hidalgo, j’acceptai sa requête et lui tranchai la tête… C’en était fini de la révolte d’Esteban. Nos médecins accoururent vers Isabela qui gisait sur le sol. Pedro Alvarado nous rassura bien vite : Isabela frissonnait de fièvre et semblait durement touchée psychologiquement par les événements des dernières semaines mais sa vie n’était pas en danger.

 

Nous avons donc repris la route de Santo Domingo afin d’exposer au gouverneur la trahison de Leandra et la fin d’Esteban. Le long trajet du retour nous fit beaucoup de bien : nous progressions lentement de manière à soigner nos blessés, en particulier Isabela qui était la plus touchée d’entre nous. Je pus constater les compétences de nos médecins et le dévouement de Montego Arragones au chevet d’Isabela. C’est à cette occasion que je m’aperçus que mon éclaireur avait un faible pour la jeune femme. Arrivés à un jour de marche de la capitale de l’île, j’eus à régler un problème délicat. Le soir, en regagnant ma tente, je découvris qu’un des coffres contenant notre or avait été volé. J’interrogeai mes hommes ainsi que les porteurs qui se trouvaient à proximité mais personne n’avait rien vu, ce qui me semblait étrange : je décidé de proposer une forte récompense en échange de toute information utile et c’est là qu’un porteur m’indiqua avoir aperçu Guillermo Pascual entrer dans ma tente peu avant. Je fis immédiatement fouiller la sienne pour y découvrir l’or qui avait été volé. Je convoquai le soldat dans ma tente : tout blanc, il se confondit en excuses. Je ne pouvais pas me passer de ses services et il me semblait sincère aussi, je décidai de lui accorder mon pardon tout en lui promettant un châtiment exemplaire en cas de récidive. Aujourd’hui encore, je ne regrette pas mon choix : depuis ce jour et pour tout le reste de la durée de notre expédition, Guillermo fut l’un de mes hommes les plus courageux et dévoué, bien conscient qu’il devait se racheter.

 

Le 11 juillet, nous avons enfin rejoint Santo Domingo. Notre répit ne fut que de courte durée : peu après avoir annoncé le résultat de notre expédition au gouverneur, les sentinelles nous annoncèrent qu’une puissante armée rebelle commandée par Leandra attaquait la ville. Isabela partit rejoindre la milice dirigée par le capitaine Noriega et par De Rossi pour protéger la citadelle tandis que le reste de mes hommes s’attachaient à défendre le palais du gouverneur. Leandra envoya contre nous une troupe puissante, bien équipée et bien entraînée et surtout deux fois plus nombreuse que nous. Nous étions puissamment retranchés afin de leur faire face et nous avons mené une défense héroïque. La plupart d’entre nous furent touchés par les flèches et les coups d’épées de nos ennemis mais nous avons résisté envers et contre tout. Rosilia Padilla et Rafael Lopez furent gravement blessés lors de cette bataille mais, grâce à Dieu, leurs blessures guérirent par la suite. Finalement, nos ennemis battirent en retraite, notamment du fait que ceux qui s’étaient attaqués à la forteresse défendue par Isabela, Noriega, De Rossi et leurs hommes avaient également été repoussés après avoir subi de lourdes pertes. Nos troupes se joignirent pour tenter d’écraser les forces de Leandra qui s’étaient rassemblées sur le port. Malheureusement, la plupart de mes hommes étaient blessés et durement éprouvés par la défense du palais du gouverneur et nous fûmes finalement écrasés : nous avons battu en retraite tandis que Leandra s’emparait de la ville et assassinait le gouverneur ainsi que le chef de la garde, Noriega. Plutôt que de chercher à nous poursuivre pour nous faire exécuter, elle nous proposa un marché : nous abandonnions la lutte et elle nous laissait quitter Hispaniola en vie pour rejoindre le continent, qui était notre objectif premier. Sans nous faire prier, nous avons accepté son offre, même si nous étions quelque peu démoralisés de n’avoir pu sauver les intérêts de la couronne dans la région.

 

Le lendemain, au moment d’embarquer sur la Santa Teresa, nous avons rencontré Lazlo Pauwlik, un soldat d’origine hongroise qui avait servi dans nombre de batailles pour le roi Charles. Il s’était illustré contre les Ottomans à plusieurs reprises. Ce valeureux soldat voulait nous rejoindre pour gagner le continent où se trouvait l’un de ses compagnons qui avait participé à l’expédition de Gutirrez, quelques mois auparavant, et dont on était toujours sans nouvelles (ce qui laissait craindre le pire). J’ai bien évidemment accepté son offre, tant il était évident que ce soldat était compétent et fiable. Nous sommes ensuite montés à bord tous les douze et la Santa Teresa a pris le large en direction de ce mystérieux continent…

 

 

Nouvelle Espagne

 

            Le 15 juillet 1518, deux mois après avoir débarqué à Hispniola, nous sommes enfin arrivés en vue du continent. Une tempête faisait rage ce jour-là et la Santa Teresa faillit bien couler. Tandis que nous essayions tant bien que mal de rejoindre la côte à bord de canots, Alejandro Pintado et Teresa Sanchez tombèrent à la mer, ce qui nous laissait craindre le pire : c’étaient de bons compagnons et leur absence, en plus de briser notre moral, serait préjudiciable à la suite de l’expédition. Inquiets, dès que nous avons atteint la terre ferme, nous sommes partis à leur recherche. Nos pas nous menèrent à un hameau indigène dans lequel nous aperçûmes Teresa qui avait été recueillie. Nous avons cherché du regard Pintado sans le trouver mais, bien vite, notre médecin nous rassura : Pintado se reposait dans la hutte du pêcheur indien qui les avait sauvés de la noyade. Grâce à Isabela qui connaissait quelques rudiments de la langue locale, nous avons établi des liens forts avec les Indiens du lien et nous avons procédé à un échange de présent destiné à marquer durablement notre amitié. Ils nous ont indiqué qu’il existait de nombreux autres villages dans la région et, plus loin encore, de véritables villes. Nous avons pris bonne note de leurs indications.

 

Le 18 juillet nous avons atteint un autre village où vivaient des pêcheurs de perles. Ils nous accueillirent comme des dieux ou des envoyés divins et nous offrirent or, argent et quantité de perles. Leur chef m’implora d’accepter de prendre sa fille, Tayanna, pour femme. Ne voulant pas l’indisposer, j’acceptai son offre. J’acceptai même de bonne grâce : Tayanna était d’une beauté remarquable et, dans ses yeux, brillaient l’intelligence. Le mariage fut célébré en grande pompe et scella notre amitié avec les Indiens de la région. Les hommes étaient également contents de pouvoir faire la fête après notre pénible séjour à Hispaniola.

 

Ayant établi de bonnes relations avec les Indiens qui peuplaient la côte, nous avons décidé de nous enfoncer plus avant à l’intérieur des terres. Nous avons constaté à nos dépens que tous les Indiens de la région ne nourrissaient pas des sentiments amicaux à notre égard. Plusieurs fois, nous avons dû nous battre, de jour comme de nuit. Généralement, ils n’attaquaient que par petits groupes ce qui nous permit de les repousser assez aisément.  

 

Le 27 juillet, nous atteignîmes la ville de Xapala, dirigée par le grand Tepictoton, cacique du lieu et vassal d’un certain empereur Moctezuma. Tepictoton, dont les paroles nous furent traduites par sa fille Anacaona, nous offrit son amitié en échange de notre aide : il souhaitait unifier les Totonaques sous sa férule. S’il ne nous le dit pas ouvertement, il semblait déjà clair à ce moment-là qu’il souhaitait à terme s’affranchir de ses maîtres aztèques. Isolés bien loin de tout établissement espagnol, nous avions besoin de soutien et avons accepté sa proposition : nous étions désormais chargés de récupérer une idole vénérée par bon nombre de Totonaques et la rapporter à Xapala.

 

Le lendemain, nous partîmes en direction du village dans lequel se trouvait cette idole. En route, nous avons été rattrapés par Ancaona qui souhaitait nous rejoindre. C’était encore une fillette, treize ans à peine. J’avais peur de la réaction de son père si elle venait avec moi : ne penserait-il pas que je l’ai enlevée ? Elle me rassura et, surtout, elle me rappela que j’aurais besoin d’un traducteur. Elle parlait un espagnol hésitant mais correct qu’un certain Miguel lui avait enseigné : nous avons tous déduit qu’il s’agissait là d’un membre de l’expédition de Gutirrez. Finalement, j’ai accepté son offre en espérant ne pas me mettre son père à dos... Quelques jours plus tard, nous avons rencontré le Miguel en question qui vivait en hermite loin à l’est de Xapala. Il nous dit qu’il ne savait rien du devenir de l’expédition de Gutirrez qu’il avait quittée en constatant à quel point le conquistador et ses hommes se comportaient mal à l’égard des Indiens, pillant, volant, tuant et violant dès qu’ils le pouvaient. Il s’était lié d’amitié avec Tepictoton et décidé de rester un temps à Xapala avant de venir s’établir en ces lieux qu’il considérait comme un véritable petit paradis. Nous avons essayé de le convaincre de se joindre nous, sans succès : il voulait vivre sa vie en paix, loin des guerres et des expéditions hasardeuses…

 

Le 10 août, en explorant la région, nous avons découvert par hasard un canon au milieu de ce qui avait dû être le théâtre d’une embuscade meurtrière… Cette découverte qui nous surprit beaucoup. Alejandro Pintado identifia immédiatement les armoiries du Gutirrez sur quelques boucliers abandonnés à proximité de la pièce d’artillerie. Cela confirmait nos intuitions : qui d’autre aurait pu apporter un canon dans un tel endroit ? Il était certain que l’expédition qui nous avait précédés avait subi de lourdes pertes en cet endroit mais il était impossible de savoir si qui étaient les assaillants et combien d’Espagnols avaient pu survivre à l’attaque. Pour l’heure, nous nous sommes arrêtés pendant plusieurs heures afin de remettre le canon en état : comme la suite de notre périple le prouverait, ce serait là un atout non négligeable lorsque nous aurions à affronter des ennemis qui nous seraient nettement supérieurs en nombre.

 

Le 24 août, nous avons enfin regagné Xapala avec l’idole. Nous avons dû user de menaces pour l’obtenir des indiens qui la détenaient mais, par chance, nous avons pu éviter de faire couler le sang. Cela satisfit grandement notre ami Tepictoton qui nous pardonna bien volontiers d’avoir emmené sa fille avec nous. Grâce à l’idole, son prestige auprès de toutes les communautés totonaques s’était accru et il était reconnu comme étant, en quelque sorte, leur chef. Il nous demanda ensuite d’escorter ses émissaires afin de rencontrer des envoyés tlaxcaltèques qui souhaitaient s’allier à lui contre les aztèques, ce que nous fîmes.

 

Après avoir regagné Xapala, nous avons laissé Tepictoton à ses préparatifs de guerre et nous avons décidé d’enquêter à propos de la disparition de l’expédition de Gutirrez. A l’est de Xapala, nous découvrîmes les restes d’une forteresse qu’il avait établie dans la région. Elle était occupée par des Indiens qui avaient visiblement massacré une partie des membres de l’expédition comme en témoignaient les crânes espagnols qui trônaient à l’entrée de la forteresse. Nous dûmes les combattre pour les chasser des lieux. A l’intérieur, aucun indice sur le destin de l’expédition.

 

Nous avons poursuivi nos investigations jusqu’au 24 août, jour où nous découvrîmes, en pleine jungle, les restes d’un camp établi par Gutirrez. Les espagnols avaient visiblement été attaqués, comme en témoignaient de nombreux cadavres et des flèches plantées dans des palissades dressées à la hâte. De nombreux espagnols étaient enterrés ici, comme l’indiquaient les croix plantées dans le sol, au nord du campement. En fouillant les débris, nous avons découvert un journal en très mauvais état qui indiquait que l’expédition envisageait de se rendre à l’est avec l’or pillé aux indigènes. Au moment où nous nous apprêtions à quitter les lieux, nous fûmes attaqués par surprise par des Indiens menés… par trois espagnols ! Qui étaient-ils ? Que faisaient-ils là ? Pourquoi combattaient-ils aux côtés d’Indiens ? Nous ne le saurons jamais… Leur embuscade était bien préparée et c’est par miracle que notre expédition n’ait eu à souffrir d’aucune mort. Mais la plupart d’entre nous étaient gravement blessés, en particulier Bernardo et Juan Ortega… Nous battîmes tant bien que mal en retraite dans la jungle en emportant nos blessés avec nous.

 

Après avoir semé nos poursuivants et pris quelques jours de repos afin de panser nos blessures, nous prîmes la direction de l’est en espérant retrouver Gutirrez. Le 10 septembre, nous découvrîmes sa tombe. Ainsi donc, le premier Espagnol à avoir fouler ce continent y était mort. Nous nous mîmes à prier pour le salut de son âme avant de reprendre la route de Xapala.

 

Arrivés chez Tepictoton, nous apprîmes que les préparatifs pour la guerre avançaient bien : les troupes se rassemblaient et l’alliance avec le Tlaxcala semblait solide. Néanmoins, il faudrait du temps avant de pouvoir rassembler tous les contingents attendus et Tepictoton craignait que les habitants de Tenochtitlan n’en profitent pour stocker de grandes quantités de nourritures en prévision du siège. Il nous demanda donc de piller les fermes au nord de la ville afin de diminuer la production alimentaire des aztèques. Je n’appréciai guère le fait de m’attaquer à des civils et l’expliquai à Tepictoton qui me rétorqua que les Aztèques useraient de tous les moyens pour nous abattre et que nous devions faire de même. J’acceptai la mission à contrecœur, en me jurant de faire tout mon possible pour éviter un bain de sang. Une fois arrivés sur place, j’ordonnai à mes hommes de tirer en l’air avec leurs arquebuses et escopettes afin de faire fuir les paysans. Cette stratégie permettrait d’éviter la mort de paysans innocents mais il ne faisait aucun doute qu’ils feraient appel aux garnisons aztèques situées à proximité : il fallait donc agir vite. Nous mîmes le feu aux fermes aussi vite que possible mais ce fut encore trop lent : une patrouille aztèque nous surprit mais nous parvînmes à la vaincre avant de quitter la région, une fois notre mission accomplie. Afin de semer nos poursuivants, nous ne prîmes pas la route de Xapala mais celle du Sud, une région dont nous ne connaissions rien et que nous pensions vierge de toute exploration.

 

En chemin, nous fîmes une halte à Texcoco, dans les abords immédiats de Tenochtitlan. Par chance, la nouvelle de notre attaque n’y était pas encore parvenue et nous pûmes nous ravitailler sans problème. Nous rencontrâmes un certain Coyotl qu’un prêtre aztèque nous avait demandé d’exécuter. Plutôt que de le tuer, nous l’avons prévenu du danger et nous lui avons recommandé de fuir, avant de reprendre notre route vers le Sud.

 

Au terme d’une longue marche au cours de laquelle nous avons collecté or et ressources, le 20 octobre 1518, nous atteignîmes un village isolé dans la jungle. Il s’agissait d’une communauté distincte de celles que nous avions rencontrées jusque-là : les habitants nous indiquèrent être des Mayas. Tout aussi intrigant que ce peuple, un immense volcan se trouvait là. Curieux, nous avons demandé aux Mayas de nous fournir un guide afin de l’escalader mais les Mayas étaient méfiants : il semblerait que quelques hommes de Gutirrez aient atteint la région et aient capturé quelques-uns des leurs. Pour leur prouver notre bonne foi, nous avons accepté de chasser pour eux une bande de pillards indiens qui écumait la région. Nous les rencontrâmes le 30 de ce mois et les avons vaincu aisément : n’ayant jamais vu d’armes à feu jusqu’alors, ils furent fortement déstabilisés lorsque Pintado et Lopez usèrent de lourdes arquebuses. Les Mayas constatèrent alors que nous étions différents des membres de l’expédition de Gutirrez et acceptèrent de nous fournir des guides : nous avons ainsi pu découvrir cet immense volcan, prêt à entrer en éruption, et toute la région environnante.

 

Nous avons ensuite fait route vers le nord, vers Xapala. Le 23 novembre, tandis que nous passions aussi discrètement que possible dans la région de Texcoco, nous avons été rejoints par Coyotl, le guerrier aztèque dont avions indirectement sauvé la vie. En fuite depuis plus d’un mois, il nous supplia de l’accepter parmi nous. Pris de pitié, nous avons accepté sa proposition, en ne doutant pas que ses capacités pourraient nous être utiles par ailleurs : c’était un excellent guerrier et il connaissait bien Tenochtitlan, ce qui pourrait s’avérer être un atout si nous attaquions la ville.

 

En chemin vers Xapala, je fis une découverte étonnante : notre jeune médecin Teresa Sanchez entretenait depuis quelques semaines une relation amoureuse avec Julio Barreto. Loin de me mettre en colère, je les félicitai pour cette idylle naissante tout en leur rappelant néanmoins que je ne souhaitais pas que leur relation ait des conséquences sur l’organisation de notre petite compagnie. Je fus heureux d’être le témoin de ce rapprochement entre deux êtres qui me sont chers.

 

À partir du 4 décembre, nous avons commencé à reconstruire la forteresse que Gutirrez avait installée dans la région : elle pourrait constituer un bon point d’ancrage pour nos expéditions et permettrait de renforcer considérablement notre présence dans la région. Après quelques jours passés sur place, je décidai de reprendre la route car nous avions besoin de vivres, de matériaux et de fonds pour mener à bien notre projet. Je laissai Lazlo sur place avec la tâche de diriger nos serviteurs indiens. Le mercenaire avait pu observer de nombreuses fortifications au cours de ses voyages et je lui faisais la plus totale confiance. Au cours de nos voyages, nous avions entendu les Indiens parler à plusieurs reprises d’une cité de l’Or, dans laquelle le métal précieux serait aussi courant que l’air que l’on respire. Avec l’assentiment de tous les membres de l’expédition, nous nous sommes mis en route vers cette cité en suivant les indications pour le moins imprécises de nos alliés indiens.

 

Pendant près d’un moins, nous avons parcouru des jungles insondables, peuplées presque uniquement de singes, de moustiques et d’autres insectes nuisibles. Aucune trace de vie dans ces étendues et encore moins d’or. Plusieurs des nôtres tombèrent malades, sans que cela n’ait de conséquences : grâce à Dieu, nos médecins firent des merveilles. Le moral des troupes commençait à baisser la petite halte que nous fîmes le 25 décembre pour fêter Noël nous fit du beaucoup de bien. L’espace d’une journée, les visages se détendirent un peu. Lorsque survient le 1er janvier de l’année 1519, nous n’avions toujours rien trouvé et la situation commençait à devenir critique.

 

J’envisageais alors sérieusement de regagner la forteresse, les mains vides, à laisser tomber cette expédition qui ne nous avait apporté que souffrances et maladies. C’est alors que le 5 janvier, en fin de matinée, nous atteignîmes une cité partiellement tombée en ruines. Au vu de sa superficie, elle avait dû abriter par le passé des dizaines de milliers d’habitants mais, pour l’heure, nous pensions qu’elle avait été abandonnée car nous ne pouvions observer aucune trace de vie. Une étrange muraille nous barrait l’accès à la place principale de la ville mais bien vite Tayanna comprit en lisant les glyphes qu’il nous fallait résoudre une sorte d’énigme pour activer le mécanisme qui ouvrait les portes de la cité. Je n’étais guère versé dans ce genre d’art mais, par chance, j’étais entouré d’hommes compétents : Julio et Pedro Alvarado, avec l’aide de Tayanna, parvinrent à mettre en branle le mécanisme, nous permettant ainsi d’accéder au cœur de la cité abandonnée. Nous nous mîmes à explorer la place principale et les temples qui la bordaient à la recherche de l’or dont nous avaient parlé les Indiens. Bien vite, nous fûmes confrontés aux habitants de la cité qui, contrairement à ce que nous pensions, occupaient toujours les lieux. Certes, ils n’étaient plus qu’une poignée à vivre dans ces ruines mais ils nous étaient toujours supérieurs en nombre. Tant bien que mal, nous nous sommes barricadés au centre de la place, profitant des éboulis et comblant les interstices avec des tonneaux et d’autres objets lourds capables de nous offrir une protection de ralentir la progression de nos ennemis. Nous nous battîmes comme des lions ce jour-là et nous repoussâmes leurs assauts les uns après les autres. Ce fut sans doute la puissance de feu de nos arquebusiers qui fit la différence ce jour-là. Épuisés et affaiblis, les Indiens qui avaient survécus aux combats finirent par battre en retraite dans les profondeurs de la jungle. Nous avions le champ libre pour explorer le cœur de la cité où, il est vrai, nous avons trouvé d’importantes quantités d’or et d’argent. Le métal précieux était cependant loin d’y couler à flot comme nous l’avaient raconté les Indiens… Fatigués par notre longue errance et par le difficile combat que nous avions eu à mener, nous prîmes le chemin du retour. Une quinzaine de jours nous suffit pour atteindre la lisière de la jungle et y découvrir un très grand temple abandonné. Nous pénétrâmes dans l’édifice et nous nous sommes emparés de la totalité de l’or qui s’y trouvait. Nous étions désormais très riches… mais dans les heures et les jours qui suivirent, nous tombâmes tous malades les uns après les autres, souffrant de vomissements, de fièvres et de maux de tête. Les plus superstitieux d’entre nous attribuèrent cela à une quelconque malédiction des Indiens. Si c’est bien le cas, les naturels ont bien dû se rendre à l’évidence : il en faut plus pour abattre de bons chrétiens placés sous la protection de Dieu : après une semaine de convalescence, la plupart d’entre nous étaient à nouveau sur pied et je décidai de regagner la forteresse pour voir où en étaient les travaux menés par Lazlo.

 

Nous atteignîmes la forteresse le 5 février et je découvris avec satisfaction que Lazlo avait fait de l’excellent travail : l’ancien fort de Gutirrez était désormais en mesure de résister à un assaut et nous permettait de disposer d’une base solide sur le continent. De Rossi que nous avions rencontré à Hispaniola nous y rejoignit et je lui confiai son administration : l’ingénieur italien avait préféré fuir le chaos qui régnait sur l’île suite au renversement du gouvernement par Leandra.

 

Quatre jours plus tard, nous avons entamé notre offensive contre les forces aztèques tandis que Tepictoton préparait ses troupes pour tenter de s’emparer de Tenochtitlan. Notre objectif était la destruction de l’avant-poste aztèque de Cautilan : à l’aide de nos escopettes et arquebuses, nous tirâmes quelques coups de semonce pour faire fuir les habitants innocents de la ville. Les combats de rue que nous avons dû mener par la suite furent pénibles mais l’ennemi finit par battre en retraite, nous laissant incendier la ville. Satisfaits de notre victoire, nous avons regagné notre forteresse pour nous y ravitailler.

 

J’y découvris avec joie que la chapelle que je souhaitais voir être érigée en ces lieux était à présent achevée : enfin nous allions pouvoir célébrer comme il se doit Notre Seigneur et commencer à évangéliser les naturels du pays. Par chance, un franciscain avait suivi De Rossi et je le nommai immédiatement chapelain. La première cérémonie religieuse qui se tint dans la chapelle fut mon mariage avec Tayanna : nous étions à présent unis devant Dieu, à ma grande satisfaction.

 

Le 17 février, le fier Coyotl nous annonça qu’il nous quittait pour lutter auprès des siens. Il ne se sentait pas capables de d’affronter ses frères aztèques pour notre compte. Généreusement, nous le laissâmes partir rejoindre son peuple.

Trois jours plus tard, 20 février, nous avons subi notre pire défaite : une importante force aztèque se présenta aux portes de la forteresse. Ils étaient probablement dix fois plus nombreux que nous. Postant des hommes sur les remparts, je décidai quant à moi de me battre avec mes plus fidèles compagnons à la porte de la forteresse qui n’était pas encore réparée : tant bien que mal, nous avons établi des barricades et tenté de repousser un ennemi qui, dans ce secteur, combattant à trois contre un. Les pertes que nous leur infligeâmes furent énormes mais nous finirent par être submergés par le nombre. Tant bien que mal, j’organisai une retraite en perçant leurs lignes sur un de leurs flancs. Nombre d’espagnols étaient morts, la forteresse était détruite et notre réputation d’invincibilité ne tenait plus. Notre situation était mauvaise mais pas critique : l’essentiel de la troupe qui m’accompagnait était indemne et la bataille avait donné suffisamment de répit à Tépictoton pour qu’il puisse rallier ses alliés Totonaques : son armée marchait sur Tenochtitlan et nous étions bien décidés à la rejoindre.

 

Nous nous joignîmes aux Totonaques le 25 février. Les troupes de Tepictoton rencontraient une résistance importante : les Aztèques, désespérés, s’étaient retranchés dans Tenochtitlan. C’était la première fois que nous découvrions la capitale de l’empire le plus puissant des Amériques, une ville magnifique, établie sur des canaux à l’image de Venise. Quel dommage de n’avoir pu la contempler qu’en ces temps de guerre et de chaos car elle nous a semblé pouvoir rivaliser avec les plus belles de nos villes espagnoles. Tepictoton n’arrivait pas percer les lignes ennemis et nous demanda de mener une attaque surprise. Embarqués sur de petits navires, nous débarquâmes sur une digue où s’étaient retranchés des guerriers jaguars aztèques, bien décidés à empêcher tout ennemi de passer. Au terme d’une lutte héroïque et malgré notre infériorité numérique, nous parvînmes à les mettre en déroute. Une voie d’accès à Tenochtitlan était libre et les Totonaques s’engouffrèrent dans la brèche. C’est alors que commencèrent les terribles combats de rues, marqués par de nombreux massacres de part et d’autres. Dans le chaos qui régnait alors à Tenochtitlan, je parvins à ordonner à Lazlo de prendre avec lui un détachement de Totonaques pour s’emparer du marché qui constituait un point stratégique de la ville. Quant à moi, j’ordonnai à mes hommes les plus fidèles et les plus aguerris de me suivre : Pintado, Lopez, Padilla, Ortega, Alvarado et bien évidemment mon second Trevino. A nous sept, nous nous enfonçâmes dans le quartier des guerriers, là où étaient casernées les troupes d’élites de l’empereur Moctezuma. Ils ne purent rien face à notre détermination et à la puissance de notre assaut : nombre des leurs furent tués et bien d’autres encore prirent la fuite, certains se noyant dans les canaux environnants. Avec nos alliés totonaques, nous tenions désormais la plupart des points stratégiques de la ville, même si les aztèques résistaient encore dans plusieurs quartiers de Tenochtitlan. De commun accord avec nos alliés indiens, nous décidâmes de lancer un assaut contre le palais de Moctezuma, dans lequel celui-ci s’était retranché avec sa garde d’élite. Non sans peine, nous avons vaincu ses grades-du-corps, parmi lesquels se trouvait le valeureux Coyotl, notre ancien compagnon. Cette journée allait connaître un terrible dénouement : galvanisés par nos victoires, nous pénétrâmes au cœur du palais, espérant bien capturer ou tuer Moctezuma. L’empereur nous attendait avec ses derniers fidèles. Trop confiant, Tepictoton se lança personnellement à l’assaut, bien décidé à occire lui-même ce monarque qu’il détestait depuis des années. Nous l’accompagnâmes dans cette ultime bataille. Malheureusement, poussés par l’énergie du désespoir, les Aztèques se battirent comme des lions pour défendre leur souverain : plusieurs des nôtres furent blessés, certains gravement, d’autres plus légèrement. Mais le plus grave fut la mort de Tepictoton et de la plupart des hauts dignitaires qui avaient souhaité l’accompagner. Le chef totonaque était le principal ciment de son armée et, lorsque la nouvelle de sa mort se répandit, la plupart de ses soldats se sont débandés, tandis que les aztèques, eux, reprenaient courage. Moctezuma et ses ultimes troupes d’élite parvinrent alors à nous chasser hors du palais puis de Tenochtitlan. Partout autour de nous, les Totonaques fuyaient sans opposer de résistance aux Aztèques. D’après Tayanna, la plupart d’entre eux affirmaient que leurs dieux les avaient abandonnés. Nombre d’entre eux ont été massacrés au cours de la déroute. Quant à nous, les espagnols, nous retraitâmes en bon ordre et n’eûmes qu’à déplorer quelques blessés supplémentaires.

 

Si aucun de mes hommes n’était mort, l’échec de notre expédition était total. Nos alliés étaient en fuite ou massacrés. Nos ennemis étaient quant à eux affaiblis mais tellement nombreux que nous n’avions aucune chance de pouvoir reprendre l’initiative. Qui plus est, notre échec rendrait difficile toute tentative de ralliement d’autres indiens contre la puissance aztèque. Nous apprîmes bientôt que Moctezuma s’inquiétait de notre sort et avait envoyé plusieurs patrouilles à notre recherche. Inquiets quant à ses intentions, nous décidâmes de quitter le continent et de regagner l’Espagne pour faire part au roi de nos découvertes.

 

Une semaine après la terrible bataille de Tenochtitlan, nous avons rejoint le petit comptoir que les marins de la Santa Teresa avaient construit non loin du village de Tayanna. Mon beau-père les avait accueillis avec joie et peu d’incidents étaient à déplorer depuis lors. Le lendemain, le 6 mars 1519, nous prenions la mer en direction de l’Espagne.

 

Epilogue

 

Près de deux mois plus tard, nous avons débarqué dans notre mère patrie. Notre arrivée à la cour fit sensation car Anacaona et Tayanna nous accompagnaient : les Indiens étaient encore rares en Europe à l’époque et c’est avec curiosité qu’ils furent observés. En raison de la destruction de la forteresse de Gutirrez où nous avions entreposé notre butin, nous ne ramenions que peu d’or et d’argent et les officiers du roi en furent déçus. Bientôt, on nous pria de quitter la cour et notre histoire fut oubliée… Avec le recul, je pense que nous étions trop peu nombreux que pour pouvoir renverser le pouvoir aztèque : comment une dizaine d’aventuriers seulement auraient-ils pu renverser un empire comptant des centaines de milliers voire des millions d’habitants ? L’expédition victorieuse de Cortès contribua sans aucun doute à ce que nous sortions pour de bon de la mémoire collective : bientôt, nos hauts faits furent oubliés. Et pourtant… je ne peux m’empêcher de croire que sans nous, Cortès aurait probablement échoué. Bien que notre attaque contre Tenochtitlan se soit soldée par un échec, nous avions décimé les troupes d’élites des Aztèques et le siège que nous leur avions imposé avait probablement durement affecté leur économie. L’empire aztèque que Cortès affronta n’était plus au faîte de sa gloire car nous avions contribué à l’ébranler.

 

Toi, lecteur curieux, tu demandes peut-être ce que nous sommes devenus au terme de cette étrange expédition. Voici de quoi satisfaire ta curiosité

 

Alejandro Pintado est finalement resté en Europe. L’argent que nous avions ramené avec nous ne suffit certes pas à impressionner la Cour mais il lui permit d’obtenir le pardon de l’empereur pour les erreurs commises par son père. Il put récupérer terres et titres et s’installer à la Cour. Il vit toujours à l’heure actuelle en Espagne.

 

Lazlo Pauwlik n’a finalement pas retrouvé le compagnon d’armes qu’il cherchait. Il a décidé d’abandonner sa quête et de lutter contre l’Infidèle : il s’illustra à plusieurs reprises avant de périr, en 1526, lors de la bataille de Mohacs.

 

Pedro de Alvarado rejoignit, quant à lui, son cousin homonyme, compagnon de Cortès. Rafael Lopez, Guillermo Pascual et Juan Ortega décidèrent de le suivre. Ils atteignirent tous les quatre le Mexique en mai 1521 et participèrent à l’expédition de Cortès. Ce grand conquérant put bénéficier de leurs conseils et de leur expérience. Pedro de Alvarado fut néanmoins gravement blessé lors du second siège de Tenochtitlan et décida de regagner l’Espagne. Il est décédé en 1547 à Jaen où il s’était installé. Lopez, Pascual et Ortega quittèrent pour leur part le service de Pedro de Alvarado, beaucoup trop cruel à leur goût. Rafael Lopez et Guillermo Pascual participèrent ensuite à l’expédition désastreuse de Narvaez en Floride : ils y périrent tous les deux en 1528. Juan Ortega, quant à lui, participa à diverses expéditions dans le Yucatan et au Guatemala puis il accompagna Pizarro dans sa conquête du Pérou. Toujours avide de découvertes, il suivit ensuite don Lope de Aguirre dans sa quête d’un nouvel El Dorado. Il sera exécuté après avoir refusé de reconnaître Aguirre comme son suzerain en 1561.

 

Tous les autres décidèrent de me suivre. Pendant cinq ans, nous vécûmes en Espagne puis nous décidâmes de regagner le Nouveau Monde pour nous installer dans la région de Xapala, où plusieurs de nos amis totonaques vivaient encore. Nous y vécûmes vingt-une longues années en tentant de défendre les intérêts des totonaques auprès des autorités coloniales. Au terme de ces longues et heureuses années, le gouverneur de la Nouvelle-Espagne nous obligea à quitter la région de Mexico pour le Yucatan : nous nous sommes alors installé dans un vaste domaine à proximité de Merida où nous essayons de préserver au mieux les indiens mayas qui souffrent de nombreuses maladies. Je devins même gouverneur de Merida de 1545 à 1555 et je fis tout mon possible pour essayer de préserver ces malheureux des maladies et des mauvais traitements.

 

Pendant toutes ces années, des liens toujours plus étroits se formèrent entre nous et nouveaux couples se formèrent. Teresa Sanchez épousa celui dont elle était tombée amoureuse lors de notre expédition, Julio Barreto. Ils formèrent un heureux ménage et eurent six enfants, dont trois atteignirent l’âge adulte. Ces deux amis sont à présent morts depuis longtemps, Julio nous a quitté en 1553 et fut suivi par son épouse l’année suivante. La jeune Rosilia Padilla épousa mon fidèle lieutenant Bernardo Trevino, tous deux sont toujours en vie et ont eu deux enfants, toujours en vie eux aussi. Montego Arragones s’est épris quant à lui d’Isabela, la jolie métis que nous avions rencontrée à Hispaniola : de leur union naquirent cinq enfants dont deux sont toujours en vie à l’heure où j’écris ces lignes. Arragones est décédé en 1562, d’une malencontreuse chute de cheval, mais son épouse vit toujours à nos côtés. Quant à la jeune Anacaona, elle nous a suivis tout au long de nos périples. En 1528, elle épousa un cabellero andalou du nom de Carlos Gonzales. Elle est malheureusement décédée en 1540 en donnant naissance à son second enfant. Ses deux fils ainsi que son mari nous ont accompagnés dans le Yucatan.

 

Comment ne pas achever ce récit en évoquant mon propre destin et celui de Tayanna que j’ai rencontrée et épousée au cours de cette formidable expédition que nous avons menée en 1518 et en 1519. Nous avons vécu heureux jusqu’en 1566, lorsque le Seigneur a décidé de la rappeler à lui à la suite d’une maladie. Je n’ai certes pas trouvé les immenses richesses auxquelles j’aspirais mais, une femme comme elle était le plus beau des trésors qui soit. Outre sa douceur, son intelligence et sa beauté, elle m’a offert huit enfants dont deux ont rejoint le Seigneur. Les six autres (Miguel, Maria, Isabela, Juan, Bernardo et Fernando) vivent à mes côtés. L’ainé, Miguel, est connu comme étant le premier métis mexicain…

 

Me voilà arrivé au terme de mon récit que je souhaite dédier à mon épouse. J’espère, lecteur, que tu l’auras trouvé intéressant et que tu garderas en mémoire le souvenir des premiers européens à avoir exploré le continent américain.

 

Que Dieu te garde et qu’il protège l’Espagne et son souverain,

 

Miguel de Sotomayor

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Récit d'une partie d'expéditions conquistadors
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